Deuils

Constatation
C’était mon anniversaire. Le soixante-huitième. Soixante-huit ans ! C’est de plus en plus surréaliste de vieillir. Du genre : je suis toujours là ! Mais comment je fais ? Je suis toujours là, mais à quel prix ? Jusqu’où le jeu en vaudra-t-il la chandelle ? Qu’est-ce qui me maintient en vie alors que je me délite insensiblement ?
Nous sommes allés au restaurant, à ma demande. Jill n’était pas chaude d’y aller, au restaurant du Presbytère. Ma gourmandise n’a pas su écouter son intuition de sorcière. La cuisine y est tellement magique que je n’y résiste pas une fois par an. Jusqu’à hier, jour de mon anniversaire.
Ce fut un mélange de paradis et d’enfer, un paradis qui débouche en enfer. C’était tellement délicieux au commencement. Chaque amuse-gueule était un voyage gustatif extasiant, un ravissement buccal du fait d’explosions de saveurs et d’étonnements inouïs. Jouissif ! Une jouissance indescriptible. La cheffe est une magicienne de la gastronomie, un Mozart de la bonne chère.
C’est de la cuisine gastronomique, par conséquent tout est présenté en petite quantité. Cependant, les petites quantités s’ajoutant aux petites quantités – la plupart des mets proposés sont l’équivalent d’une bouchée de bonheur et de ravissement, des petites dégustations quasi mystiques –, mais c’est trompeur, in fine c’est pantagruélique pour un estomac comme le mien.
J’écoutai mon ravissement, mettant ma raison en sourdine. Je dégustai. Et je me voilai la face sous le regard inquiet de Jill, me demandant régulièrement si j’allais bien. Moi : « Oui, pourquoi ? »
Tu parles ! Progressivement, le ventre prend du volume, doublant puis triplant. Certes, l’estomac allait plutôt bien, il supportait vaillamment l’ingurgitation de quantités devenant insensiblement de plus en plus « copieuses », gastronomiquement copieuses. Tant et si bien qu’à la fin du repas, près de quatre heures après notre arrivée, j’étais inhumainement ballonné. Implacablement, la fermentation intestinale faisait son œuvre. Les gaz ne s’évacuant pas du fait de la position assise, progressivement une sensation de déchirement s’installait dans mes intestins. Inquiète, Jill me dit que mon teint était blanchâtre. J’avais raisonnablement mal en sortant du restaurant, comme de coutume lorsque je mange assis, mais très vite la souffrance va monter crescendo.
Je suis parvenu au bout du festin, non sans encombre. La route du retour fut en revanche un calvaire. Un parmi d’autres ? Non, un de trop. J’avais des signes déprimants annonciateurs de diarrhée imminente. Quitte à souffrir, il fallait que je tinsse jusqu’à la maison. Hélas, à peine entamé le transfert du fauteuil roulant au lit médicalisé, la courante a submergé le fond de mon pantalon de costard.
Désespoir et humiliation. Je m’en veux… mais un peu tard. J’ai tenu mais à quel prix pour Jill, qui s’attendait à cette catastrophe, et son collègue Sébastien ? Elle m’a suivi dans cette folie par amour, juste par amour. J’avais des remords, une fois de plus. Je m’en suis voulu et je me suis avoué vaincu.
Déchirement
Je vais faire le deuil d’un plaisir épicurien. Un deuil de plus. Un deuil parmi les plus ingrats, avec la perte d’audition et la fatigue chronique. Un deuil particulièrement sadique pour quelqu’un qui comme moi aime les voyages culinaires, découvrir de nouvelle cuisine et goûter de nouvelles saveurs. Dire que nombre de mes congénères sont nourris par sonde gastrique. Encore une preuve que la vie m’a plutôt épargnée, comparé à d’autres.
Le plaisir a de tout temps été mon moteur de vie mais, un après l’autre, année après année depuis dix ans, mes plaisirs me font faux bonds, rendant les deuils âpres et quelquefois moroses. La vie me prive petit à petit de mes péchés mignons, de mes plaisirs gourmands. Est-ce que ma fin de vie doit au final se résumer à une ascèse culinaire, une « véganerie » sédentarisée réduite à peau de chagrin ?
En tout cas, elle se charge de me rendre à l’évidence : définitivement, je ne peux plus, mon corps ne peut plus. Il peut de moins en moins. Vieillissement implacable et impitoyable. Pourtant, Jill aimerait tant que je vive encore longtemps. Jusqu’où ma dégénérescence croissante sera-t-elle supportable pour elle ?

Renoncement
Une vie n’est faite que de deuils plus ou moins gratinés et plus ou moins nombreux. Deuils frustrants, deuils déchirants, deuils démoralisants, deuils régénérants, on a l’embarras du choix. J’ai été très précocement confronté aux deuils, perte d’une fonction motrice ou respiratoire, déformation d’un membre et autres joyeusetés existentielles. C’est fou comme un enfant s’adapte vite. Ce fut du moins mon cas. Comme si je n’avais pas de temps à perdre à m’appesantir sur ce que je n’avais plus et que je n’aurai plus ? Préférant voir le verre à demi-plein et avancer. Durant des décennies, j’ai relativement aisément digéré mes deuils. Si aisément que mon entourage me trouvait parfois insensible ou indifférent face à la mort sous toutes ses formes. Car qui dit deuil, dit mort. En fait, j’ai simplement la faculté de me faire une raison, quelle que soit la situation, et de tourner la page sans regret. Durant des décennies, j’ai réussi à compenser mes pertes sans grande difficulté ; je n’ai jamais pleuré sur moi-même, ni pleuré tout court. En effet, même la mort physique, je ne la vie pas comme un drame, une fatalité ou une finalité mais comme une continuité. Je n’ai jamais été fataliste, au contraire. Les difficultés m’ont toujours stimulé. Si la vie ne m’a pas loupé, elle ne m’a pas non plus abandonné.
J’aimais voyager, je ne peux plus. J’aimais faire l’amour, j’ai renoncé. J’aimais les dialogues à bâtons rompus, c’est devenu déprimant. J’aimais donner des conférences et des cours, je n’en suis plus capable. J’aimais manger, dénicher de nouveaux restaurants, de nouvelles cuisines du monde, être surpris par des saveurs inconnues, je ne peux plus. Je ne peux plus comme avant. Plus aussi librement.
Sans appel, je suis condamné à la modération, à la pondération, au renoncement, à l’abnégation, voire à l’abstinence. Entre jouir et souffrir, je dois choisir. Choix draconien pour un hédoniste invétéré. J’ai naturellement fait le deuil de la mobilité, donc de l’indépendance motrice ; dépendre continûment de tiers, ce n’est certes pas une sinécure mais l’adaptation a été plus facile que de me priver de mes plaisirs épicuriens ; la mobilité physique ne fait pas partie de mes jouissances puisque je n’ai jamais marché, je n’ai donc pas d’élément de comparaison ; la frustration ne provient pas de l’immobilité mais des contraintes et restrictions inhérentes à cette immobilité.
Réminiscence
Depuis quelques années, ma vie est silences. Repli sur moi. Insoumission muette. Introversion. Solitude. Sentiment d’impuissance. Et détachement. Une existence d’ermite, diamétralement opposée à ce qu’elle fut pendant la quinzaine d’années précédentes. Souffrances et asthénie en sus, je me retrouve pratiquement dans le même genre d’isolement que durant mes vingt-trois années de mariage. Par la force des choses, j’étais alors semi-reclus ; 70 % de ma vie se déroulaient entre la chambre et le salon. J’étais alors cantonné à une semi-liberté qui avait la saveur de la liberté car j’étais chez moi, avec ma femme et mes enfants. Ce qui me manquait, c’était les moyens suffisants de me réaliser et d’être pleinement autonome. En tout cas, c’est ce que la vie m’offrait de mieux en ce temps-là, et de largement mieux que de croupir dans un foyer médicalisé.
J’ai vécu à 100 km/h pendant quinze ans environ. Je me suis donné à cœur joie dans mes engagements et mes plaisirs. J’ai trivialement pris mon pied… tout en souffrant ponctuellement. Toutefois, le jeu en valut la chandelle. Le rapport plaisirs/souffrances était alors largement en faveur des premiers ; c’est du reste impressionnant comme on est capable d’oublier ses séismes physiologiques lorsqu’on est investi dans ses plaisirs ou dans la recherche de plaisirs de substitution ; car un plaisir peut en cacher un autre, une souffrance également d’ailleurs.
Qu’elle semble loin derrière moi maintenant, cette époque picaresque. Très loin. De plus en plus loin. C’est un autre monde, une autre vie, un autre sens. Comment ai-je fait pour vivre tout ce que j’ai vécu en si peu de temps, quand je vois combien je suis délabré aujourd’hui ? Les « excès » ne me pardonnent plus le moindre écart. Ascèse ou désagrégation, il faut choisir. Choisir entre le pire et le moins pire. Me faire une raison ou baisser les bras. Je ne sais pas les baisser. Je n’ai jamais été biberonné à la résignation.
Il n’empêche que, tout compte fait, le plus terrible à vivre, donc à assumer, c’est la surdité, cette exclusion sociale naturelle et irréversible. C’est un mal profondément culpabilisant et déprimant, voire désespérant certains jours. J’ai fait le deuil de tant de pertes cependant, pour la perte d’audition, j’ai énormément de difficultés à le faire. Je me sens beaucoup plus exclu avec la surdité qu’avec le handicap physique. C’est un travail d’humilité et de lâcher prise incessants.

Humilité
Faire le deuil, c’est accepter ce qui est, tourner la page sans regret. Je ne sais pas ce que c’est regretter. Je n’ai jamais ressenti ce sentiment de déchirement affectif ou moral. Pourquoi m’appesantir sur ce qui n’est plus ? Les regrets ne font pas partie de mon ADN ; à mes yeux, ils ne sont que de l’énergie et du temps perdus. Il faut toujours se faire une raison, c’est le B.A. BA du positiviste.
Il n’y a pas de deuil sans relativisation. Par conséquent, savoir prendre du recul et relativiser chaque événement, bon ou mauvais, agréable ou désagréable, est une qualité précieuse mais relativement rare, me semble-t-il. L’humain est en général dominé par son affect et ses émotions. Or il est difficile de faire son deuil dans ces conditions. Éprouver de la frustration, de la peine, de la colère, du déchirement et/ou du désespoir, après une perte (de sens, d’autonomie ou d’un être cher), c’est tout à fait compréhensible.
D’après mon expérience, tout deuil débouche sur un « autre chose » et un « autrement ». Et, si tout deuil signifie une fin, il signifie également le commencement d’un autre possible.
C’est rarement confortable d’être mis devant le fait accompli d’une perte ou, plus prosaïquement, d’une mort, quelle qu’elle soit. En outre, il n’y a pas de deuil apaisé sans un consentement.
Être adaptable, pragmatique et rationnel, sont des qualités qui favorisent le travail de deuil, a contrario l’hyperémotivité ne facilite guère ce travail d’introspection et de renoncements. Se voiler la face, c’est s’enfermer dans le déni, s’enliser et se fermer à la vie. La surprotection y contribue fortement. Elle ne donne pas envie de se battre, implicitement, elle encourage plutôt à se résigner et à céder à la fatalité. La surprotection ne donne pas les outils cruciaux pour affronter les vents contraires de la vie.
Surprotection
De fait, a posteriori rien n’est plus néfaste que le surprotectionnisme – avec ses deux piliers : le maternage et l’infantilisation – afin d’interférer dans un travail de deuil. Il ne fait pas bon être dépendant sous certaines latitudes, spécialement dans le système pervers de l’assistanat. Mine de rien, on y pense pour vous, on y décide pour vous, on y agit pour vous, avec le souci permanent de vous protéger, même contre vous-même, le cas échéant. Ce faisant, on vous prémunit charitablement de la vraie vie avec du dorlotage parfois malmenant, voire maltraitant, qui ne dit pas son nom. On essaie de vous vendre de la sécurité qui n’est que de la liberté conditionnelle, au motif louable de vous préserver d’un maximum de frustrations, de souffrances, de déconvenues, d’épreuves douloureuses. Le revers de la médaille, c’est que ce cocooning lénifiant est un frein à la maturation, donc à l’autonomisation.
La surprotection entraîne chez les individus en situation de dépendance une fragilisation du champ émotionnel et de l’affectivité, en amplifiant insidieusement l’émotivité. Il faut parfois se faire violence, se faire mal positivement parlant, pour se libérer et aller de l’avant. Comment savourer pleinement la vie si l’on ne sait pas en appréhender toutes les facettes. La vie, ce n’est pas un idéal, c’est une réalité qu’il faut apprivoiser tout au long de la vie. J’ai trouvé le bonheur dans le dépassement de soi qui m’a ouvert les portes de l’amour, de l’autonomie, de la socialisation.
La première fois que j’ai fait la relation de cause à effet entre handicap et perte d’autonomie, j’avais environ quatre ou cinq ans. Je me suis adapté et j’ai continué d’avancer, en prenant acte du nouveau déficit d’autonomie. J’ai fait le deuil de bien des néo-invalidités diverses et variées dans mon existence, elles ne m’ont jamais détruit, elles m’ont au contraire grandi au fur et à mesure, non sans souffrance, dilemme ou angoisses.
Attention : pour autant, je ne souhaite mon existence à personne, à moins de posséder des potentialités similaires aux miennes, et encore. J’ai eu une vie sismique qui m’a fait passer par tous les registres émotionnels : jubilation, bonheur, passion, jouissance, mais également découragement, dépression ou, beaucoup plus rarement, envie suicidaire. Pour prétendre vivre, vraiment vivre, il faut parfois passer par l’épreuve du feu.

Impression
La vie est acceptation de ce qui est, afin de le dépasser, voire de le transcender. La norme sociale s’attendait à ce que je me lamente face à chaque nouveau deuil, que je me soumette, que je sois fataliste, mais je me suis caparaçonné et endurci, condition sine qua non pour tirer son épingle du jeu dans une société déshumanisée.
D’où l’impression de froideur que l’on me prête quelquefois ? Je ne pense pas être froid, je suis plutôt quelqu’un de détaché, rationnel et pragmatique. Mais ma faculté de détachement et de faire mon deuil rapidement, est interprétée comme étant de la froideur. Je ne suis pas d’une nature distante, je suis plutôt quelqu’un d’empathique. Je suis lucide, introverti et solitaire. De surcroît, la surdité suscite un repli sur soi, voire un isolement circonstanciel, qui ne facilite pas la sociabilisation. Le détachement et le recul me sont d’autant plus vitaux que je suis particulièrement sensible et très réactif face à toute forme d’injustice, ou vécue comme telle.
L’assistanat et sa nocivité ne trompent que celles et ceux qui le veulent bien. Malheureusement, ils sont nombreux. D’où la survivance florissante de celui-ci et de son corollaire : la surprotection. À ce titre, je ne cesserai de plaider en faveur d’une émancipation des personnes en situation de handicap, totale et inconditionnelle. Nous ne sommes pas des objets de soin ni des enfants dans un corps d’adulte, nous sommes des adultes dans des corps plus ou moins dégénérés. Partant, dès lors qu’il n’y a pas de déficience intellectuelle ou psychique, on a a minima la faculté de raisonner, d’argumenter, de choisir, de gérer, d’être responsable, si l’on est correctement accompagnés et compensés. Assurément, en cas de deuil (affectif, sentimental, physique, etc.), il est important de soutenir la personne et de l’accompagner dans son travail de dépassement, mais surtout pas de la materner.
Croit-on vraiment faire œuvre de bienveillance en surprotégeant quelqu’un ?
Acceptation
Aujourd’hui, après avoir perdu pratiquement toute indépendance physique, le travail de deuil de ce qui fut, commence à porter ses fruits, je me sens apaisé. Renoncer à certains plaisirs et certaines libertés n’a pas été de tout repos. Entre la difficulté à renoncer et les périodes d’abattement, de pertes de sens et d’indécision, je naviguais en eaux troubles. Finalement, après deux années de résistance, j’ai arrêté de me battre contre mes moulins à vent intérieurs.
Ce n’est une découverte pour personne : la vieillesse est propice à un déclin plus ou moins rapide de l’autonomie et à une dégradation physiologique et/ou mentale plus ou moins importante. J’ai eu le beurre mais il semblerait que je ne peux pas aussi avoir l’argent du beurre ; il ne faut pas trop en demander à la vie ou au destin. Surtout après tout ce que j’ai pu vivre.
Au demeurant, nous ne sommes pas égaux devant la vie. Il faut faire avec, aussi injuste que ça puisse paraître. Certains sont mieux lotis que d’autres ; raison de plus pour compenser leur handicap (social, cognitif, physique, mental, etc.). C’est une question de justice sociale et de solidarité. Toutefois, c’est plus un vœu utopique qu’une volonté politique. Car ce ne sera jamais une priorité sous le règne des idéologies capitalistes. Il faut se faire une raison : nous vivons dans un monde inégalitaire.

Prédisposition
C’était écrit que je déclinerai de façon brutale avec l’âge, c’est une prédisposition inéluctable avec une pathologie telle que la mienne. Oui, c’est dur de m’étioler, de me voir inéluctablement m’amoindrir, d’être sédentarisé, fragilisé et irrémédiablement fatigable. Néanmoins, la vie reste, elle est ailleurs, elle est différente et elle se vit différemment. L’heure de gloire est passée, place au temps suspendu, aux aléas et aux renoncements définitifs. Place à la contemplation, au dépouillement et à l’introspection. Je vis à un autre rythme maintenant.
Faire le deuil d’avant. Un avant qui n’est plus que souvenirs. Dorénavant, je dois additionner les néo-incapacités et les impossibilités rédhibitoires, ou les soustraire, c’est une question d’état d’esprit ou de point de vue. Pour autant, cela ne préserve pas des frustrations.
Je contemple néanmoins le verre à demi-plein, conscient du potentiel qu’il me reste à mon âge, avec ma pathologie et dans ma situation précarisée. Je cherche les côtés positifs de ma nouvelle vie. Ainsi, j’écris plus lentement, mon écriture n’est plus aussi foisonnante et dithyrambique, elle est plus laborieuse et syncopée mais, en même temps, elle est plus minutieuse, plus travaillée, plus ciselée. C’est donc un mal pour un bien.
Je fais le deuil de mon énergie surnaturelle, je fais le deuil de mes voyages inimaginables, je fais le deuil de mes agapes somptueuses, je fais le deuil d’une certaine autonomie. Ce n’est facile pour personne de perdre ou de renoncer, c’est cependant le lot commun de l’humanité. Non seulement elle est mortelle, l’humanité, mais, tout au long de son existence, elle vit sous l’égide de deuils récurrents de toutes sortes, donc de morts petites ou grandes.
Faire le deuil, c’est comprendre que tout est important mais que rien ni personne n’est indispensable. On fait le deuil de quelqu’un ou de quelque chose pour vivre. Pour vivre autrement mieux. Ne pas le faire, c’est se condamner à survivre, voire à mourir (ne supportant pas la mort de sa mère, Nino Ferrer s’est suicidé). Ne pas le faire, c’est se morfondre vainement dans ce qui n’est plus et ne sera plus.
Libération
Depuis trois ans, mon corps m’invite instamment à changer mes habitudes alimentaires en privilégiant la qualité à la quantité, faisant ainsi le deuil de certains plaisirs culinaires. La vie s’en prend à mon péché mignon : mon insatiable gourmandise. L’ascèse me guette.
En fait, je ne pensais pas pouvoir me passer un jour des plaisirs de la chair et de la chère, mais la vie m’a appris que je suis très adaptable, grâce à une souplesse psychique très précieuse. Tout a une fin et un commencement. Il faut bien un début à tout, comme dit le dicton.
La vie n’est pas tendre, elle est tout de même belle et généreuse, si on s’en donne les moyens. Tout est une question de capacités et d’investissement personnel. Et d’évolution des valeurs et des saveurs.
Bon appétit et toutes mes condoléances anticipées.
Marcel Nuss
